PARCOURS D’EXPOSITION

+ Egalement disponible en anglais et créole

 


PARTIE 1
COLLECTION JACQUES BARTOLI
PRESENTÉE PAR LA HAITIAN RESOURCE DEVELOPMENT FOUNDATION



Haïti est l'un des rares pays au monde où l'art pictural semble omniprésent. C'est parce qu'ils sont des milliers d'Haïtiens à avoir le génie de la peinture et motivés à décrire et à communiquer leur vie, leurs espoirs, leurs philosophies, leurs visions du monde et leur spiritualité, y compris le vodou.

Cette exposition salue l'effort et l'accomplissement exceptionnels de toute une vie du Dr Jacques Bartoli qui, depuis plus de quarante ans, avec son jugement avisé de chaque tableau, a acquis des peintures d'une expression et d'un impact immenses. Celles-ci proviennent exclusivement d'artistes haïtiens, dont beaucoup sont inconnus au-delà de leurs communautés avoisinantes.

Méticuleusement sélectionnées et protégées par le Dr Bartoli, ces peintures contribuent au patrimoine culturel d'Haïti et méritent d'être diffusées pour comprendre et apprécier la condition haïtienne qui est à la fois le Paradis et le Purgatoire.

The Haitian Resource Development Foundation (HRDF) que le Dr Bartoli a cofondée en 1987 et continue en tant que membre du conseil d'administration, initie et soutient des projets dans les domaines de la santé, de l'éducation, de la science, de l'art et de la culture, de l'économie, de la préparation et de la réponse aux catastrophes. La HRDF est fière, à travers cette exposition, d’offrir aux habitants de Delray Beach, en Floride, un petit coup d’œil sur Haïti.



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PARTIE 2
ŒUVRES COMMISSIONNÉES PAR MAX-JEAN-LOUIS


Parcours d’exposition présenté en 9 chapitres composés par Max Jean-Louis

Le choix d'inclure la langue créole dans notre exposition reflète notre engagement envers cette composante linguistique en tant qu'élément central de l'identité. Cette décision puise son inspiration dans les travaux de chercheurs et spécialistes, parmi lesquels Fredrick BARTH, soulignant que l'identité d'un groupe ethnique est davantage définie par son interaction avec un Autre significatif que par le contenu de sa culture. Ainsi, la langue créole transcende son rôle d'outil de communication pour devenir un puissant marqueur identitaire.

La notion de créolisation met en évidence le caractère imprévisible du processus de rencontre entre divers éléments extérieurs. La créolisation modèle l'identité culturelle, révélant les dynamiques complexes qui résultent des échanges et des influences multiples. En opérant ce choix curatorial, nous cherchons à dévoiler les riches strates de l'identité créole et à illustrer comment cette dynamique a contribué à façonner la culture d’Haïti et de la Louisiane.

En accordant une attention particulière au créole, cette exposition aspire à évoquer de manière significative la richesse et la diversité des échanges culturels et identitaires qui ont marqué ces deux régions. En mettant en lumière cette langue créole comme élément central de ce processus, l'exposition illustre la force transformative des interactions culturelles et témoigne du riche tissu de ces deux sociétés.


CHAPITRE 1 : LES LWA


Parmi les nombreux traits d’union existant entre la Louisiane et Haïti, le vodou tient une place de premier ordre. Le mot vodou tient son étymologie du mot vodoun dans la langue fon du royaume de Dahomey (actuel Bénin) et signifie “esprit” ou “divinité”. La présence du vodou en Haïti et en Louisiane met en lumière un pan d’histoire douloureux partagé par les deux territoires : celui de la traite négrière et de l’esclavage. En Haïti, les premiers Africains ont été déportés de force dès 1502, soit seulement 10 ans après l'arrivée des Espagnols. En Louisiane, la traite négrière a commencé en 1719. Lors de leur voyage, de nombreux millions d'Africains déportés ont emporté avec eux leur « djobolo bossou », c'est-à-dire leur vodoun, leurs esprits et divinités, également appelés « lwa ». Le vodou d'Afrique subsaharienne a été transformé aux Amériques, en confluence avec le christianisme et les pratiques des peuples autochtones : c'est le phénomène de créolisation religieuse, également appelé syncrétisme. 

Pour mieux cerner les racines du vaudou à la Nouvelle-Orléans et sa fusion avec le christianisme, les Africains de l'Ouest réduits en esclavage et contraints à la traite pendant le 18e siècle furent amenés à la Nouvelle-Orléans et ont dû s'adapter à leur nouvel environnement. Ce processus a abouti à une fusion syncrétique du catholicisme, la religion dominante de la région, et du vaudou, désormais connu sous le nom de « vaudou de la Nouvelle-Orléans » ou de « vaudou-catholicisme », qui a depuis été reconnu comme un trait distinctif de la ville. Cette fusion a eu un effet considérable sur la ville, ce qui a fondamentalement façonné ce qu'elle est aujourd'hui. Par exemple, Legba, la divinité qui contrôle les portes du monde des esprits, s’est vu “associé” à Saint-Pierre, le saint catholique qui a les clefs du paradis. Cette fusion n'était pas seulement un moyen de célébrer les deux religions, mais aussi un moyen d'éviter la persécution. Il s'agit là d'un exemple parmi tant d'autres qui illustre l'influence du vaudou sur l'histoire de la Nouvelle-Orléans et son patrimoine culturel. 

Papa Legba, Bawon Samdi et Grann Brijit, représentés ici par leur “vèvè” (image cérémonielle) sont trois lwa populaires en Haïti et en Louisiane. Papa Lebga, est le gardien des carrefours, “ouvrant la porte” aux autres esprits. Bawon Samdi et Grann Brijit forment le couple royal du royaume des morts. 

Les visiteurs qui le souhaitent sont invités à sonner la cloche apposée devant les vèvè de ces lwa pour “demander passage” et rendre  hommage aux combattants de la liberté de la Révolution Haïtienne et de la Révolte de 1811 en Louisiane.

 



CHAPITRE 2 : SERVANTE


Cécile Fatiman et Marie Laveau sont deux figures emblématiques du vaudou, respectivement en Haïti et en Louisiane. Cécile Fatiman était une prêtresse vaudou (manbo) haïtienne qui a joué un rôle important dans la Révolution. Elle a co-dirigé la cérémonie du Bois-Caïman avec Dutty Boukman, qui a été le point de départ de la révolution. Marie Laveau était une prêtresse vaudou qui a vécu à la Nouvelle-Orléans au XIXe siècle. Elle était connue pour son pouvoir et sa popularité. Elle a aidé les gens de tous horizons, blancs et noirs, riches et pauvres.

Les deux femmes étaient des descendantes d'esclaves africains. Elles ont toutes deux vécues dans des sociétés où le racisme et l'oppression étaient monnaie courante. Elles ont toutes deux utilisé leur pouvoir et leur influence pour aider les autres. Cécile Fatiman et Marie Laveau sont des exemples de la résilience et de la force des femmes qui ont lutté pour la liberté et l'égalité. Leur histoire est une inspiration pour tous ceux qui luttent pour un monde meilleur.

 



CHAPITRE 3 : HAÏTI


Before the arrival of Europeans in the 15th century, Haiti and the territory now known as Louisiana were inhabited by indigenous peoples who would later face the disastrous fate of enslavement.

The island of Haiti, encompassing Haiti and the Dominican Republic today, was primarily inhabited by the Tainos, a peaceful people living harmoniously with nature. The name "Haiti" in the Taino language means "high mountain land," reflecting the region's geographical features. In 1492, Christopher Columbus landed on the island, leading to the enslavement of the Tainos by the Spaniards, who sought to exploit gold and other resources. Unaccustomed to forced labor and devastated by massacres and diseases brought by the colonizers, the Tainos faced rapid decline. In 1518, to compensate for this near-annihilation, the official black slave trade began on the island. Interestingly, when Africans defeated Napoleon's army in 1804, over 300 years later, they renamed "Saint Domingue" to the Taino name it had before European arrival: Haiti.

Louisiana was also home to various indigenous peoples before European arrival, including the Natchez, Houmas, Chitimachas, and Caddo. Engaging in hunting, fishing, and farming, they possessed a rich spiritual culture. Similar to the fate of the Tainos, the native people of Louisiana experienced enslavement by European colonizers. In 1539, Spanish explorer Hernando de Soto and his men captured and enslaved Louisiana natives. Over subsequent centuries, French, Spanish, and American powers enslaved Louisiana natives. In 1718, the French governor of Louisiana enacted the Code Noir, legalizing the enslavement of natives, a practice that continued until the sale of Louisiana to the United States in 1803. Even post-1803, Louisiana natives endured violence and discrimination. In 1830, U.S. President Andrew Jackson signed the Indian Removal Act, forcing natives to leave their ancestral lands for territories west of the Mississippi. Though initially viewed as an honorable figure, contemporary citizens are now fully aware of the severity of Jackson's decisions, leading to protests to remove certain monuments, such as his statue in Jackson Square, a historic park in New Orleans' Vieux Carré.

 



CHAPITRE 4 : SOIF DE LIBERTÉ


La liberté est un concept abstrait et complexe qui a été le moteur de nombreux conflits et révolutions. Dans le contexte de l'esclavage, la liberté est un idéal auquel les esclaves aspirent passionnément. Elle représente la possibilité de vivre une vie libre de l'oppression et de la domination. L'esclavage est un système injuste et oppressif qui prive les individus de leur liberté. Devenus esclaves, des êtres humains sont réduits à l'état de propriété et contraints de travailler sans rémunération. Ils sont également soumis à la violence et à la discrimination. Dans ce contexte, la liberté est une aspiration fondamentale et devient plus qu’une source de motivation; la liberté est l’objectif de résistance pour ces personnes mises en état d’esclaves.

La Révolution haïtienne illustre  de manière puissante cette  aspiration à la liberté. En 1791, suite à la cérémonie du Bois-Caïman, les esclaves de Saint-Domingue se sont soulevés contre leurs maîtres et l’asservissement, dans une lutte qui a duré 13 ans. Au terme d'une guerre sanglante, les esclaves ont finalement remporté la victoire et fondé le premier état Noir de l’hémisphère occidental. La Révolution haïtienne a été une inspiration pour les esclaves du monde entier. Elle a montré qu'il était possible pour les opprimés de se libérer de leurs chaînes. La Révolte de la Côte des Allemands est un autre exemple probant de la soif de liberté. En 1811, des esclavisés de la Louisiane se sont soulevés contre leurs maîtres dans une tentative de s'emparer de la ville de La Nouvelle-Orléans et d’y instaurer un Etat Noir libre et indépendant. La révolte a été rapidement réprimée, mais elle a montré que les esclaves de la Louisiane étaient également prêts à se battre et à tout sacrifier pour leur liberté.

Les peintures abstraites de Harry Abilhomme offrent une interprétation unique et contemplative de la liberté. Ses œuvres sont souvent imprégnées d'une énergie et d'une vitalité qui évoquent la puissance de l'esprit humain.

 



CHAPITRE 5 : LES COMBATTANTS DE LA LIBERTÉ


Pendant des siècles et des siècles, l'esclavage était présenté comme "la norme". Il paraissait "normal" et "naturel" d'asservir les Noirs venus d'Afrique, présentés comme "inférieurs" aux blancs. Que ce soit en Louisiane ou à Saint-Domingue (actuelle Haïti), c'était le système établi, c'était l'ordre établi. Alors que l’esclave était en lui-même la personnification du non-droit, le Code Noir, appliqué à Saint-Domingue et en Louisiane, légifèrait sur sa condition.

Le Code Noir considère l'esclavisé comme un bien meuble, c'est-à-dire une chose susceptible d'être acquise par un propriétaire, un maître. Il stipule que les esclaves doivent obéissance à leurs maîtres et qu'ils sont soumis à leur pouvoir absolu. Les esclaves sont également privés de leurs droits fondamentaux, tels que le droit à la vie, à la liberté, à la libre circulation et à la propriété. La première version du Code Noir est élaborée par le ministre Jean-Baptiste Colbert et promulguée en 1685. Sa seconde version est promulguée par Louis XV en 1724. Il est le symbole de l'oppression et de la violence de l'esclavage. Il a contribué à “institutionnaliser” l’esclavage, de plus durable et plus difficile à abolir.

Face à ce système oppressif, les esclavisés de Saint-Domingue ont pris les armes. En 1791, par la cérémonie du Bois-Caïman, sans doute l’un des premiers congrès panafricains de l’Histoire, le hougan (prêtre vodou) Boukman, qui s’est tenue sur l’habitation Bréda, près de la ville du Cap-Haïtien, lance la Révolution haïtienne. Elle allait se poursuivre jusqu’au 18 novembre1803, avec la victoire  à Vertières, de l’armée indigène de Dessalines,  face à la plus puissante armée de l’époque, l’armée napoléonienne. L’indépendance d’Haïti allait être proclamée le 1er janvier 1804, devant ainsi la première Nation Noire et libre du monde.

20 ans après le début de la Révolution Haïtienne, des esclaves de la Louisiane, directement inspirés des événements de Saint-Domingue, lancent à leur tour une révolte en Louisiane. Plus précisément, cette révolte éclate sur la Côte des Allemands, région côtière située au sud de la Louisiane. Les insurgés sont dirigés par Charles Lalonde, Kook et Quamana. Malheureusement, cette révolte est réprimée dans le sanget échoue. 

Ici, sont présentés des portraits de quelques leaders de la Révolution Haïtienne et de la Révolte de 1811, en Louisiane.

 



CHAPITRE 6 : FEMMES


Tout au long de l'Histoire du monde, les femmes ont été régulièrement exclues du “ tableau d’honneur ” des grands personnages ayant défié le système autoritaire qui les opprimait. . C’est tout aussi vrai dans le cas de la révolution haïtienne, où des figures telles que Marie-Jeanne Lamartinière et Marie-Claire Heureuse Félicité ont été effacées dans les récits historiques qui privilégient leurs homologues masculins. Bien que la lutte pour la liberté et l'indépendance d'Haïti n'ait pas été possible sans des personnages tels que Toussaint Louverture ou Jean-Jacques Dessalines, les actes libérateurs de nos héroïnes ont été tout aussi déterminants pour le succès de la révolution. Marie-Jeanne, surnommée la Jeanne d'Arc d'Haïti, était un soldat qui s'est battu en première ligne, notamment lors de la bataille de Crête-à-Pierrot. La ténacité effrénée de Marie à se battre aux côtés de son époux, Louis Daure Lamartinière, témoigne de l'impact  de l'égalité mise au service de la lutte contre l'injustice. Par ailleurs, Marie-Claire Heureuse Félicité, épouse du leader révolutionnaire et futur Empereur Jean-Jacques Dessalines, a contribué à secourir les soldats et les civils blessés pendant la guerre . Elle a joué un rôle crucial dans l'acheminement des soldats blessés vers les centres médicaux appropriés. Les artistes Patricia Brintle, créatrice des portraits représentant Marie-Jeanne et Madame Dessalines, et Alina Allen, créatrice d'œuvres aussi captivantes que “Tribu”, ont utilisé leurs talents artistiques pour attirer l'attention sur cet aspect méconnu de l'Histoire. À travers ces images de femmes courageuses qui se sont battues pour la liberté, Patricia et Alina ont caractérisé les forces de la sororité et de l’égalité. 

La liberté et l’égalité ne sont pas des droits pour lesquels on se bat uniquement sur le champ de bataille, mais dans la sphère politique, à travers les positions gouvernementales de pouvoir et d'autorité. L'ancienne présidente haïtienne Ertha Pascal Trouillot, reste un excellent rappel de la quête permanente d’égalité dans le monde entier. Elle a été non seulement la première femme présidente d'Haïti, mais aussi la première femme Juge à la Cour suprême que le pays ait connue. Des photos d'archives de Mme Trouillot, gracieusement prêtées à l’exposition, témoignent de cette représentation historique des femmes au pouvoir. 

Des témoignages de la participation des femmes au cœur des luttes pour la liberté, la justice sociale et les droits de la personne sont également visibles dans l’Histoire des anciennes puissances coloniales. L’action de Christiane Taubira, ancienne ministre française de la Justice, en est un exemple. Une œuvre d'art époustouflante représentant Christiane Taubira, réalisée par Nick Edward Woolley et intitulée “ Taubira ”, rend hommage à cette figure politique contemporaine et à son influence éternelle. 

Dans l'ensemble, ces œuvres d'émancipation contribuent fondamentalement à l'objectif de l’exposition et à son engagement en faveur des combattants et des combattantes de la liberté, partout dans le monde, quel que soit leur genre.

 



CHAPITRE 7 : EXPRIMER LA LIBERTÉ


Haïti-Louisiane : Les Marées de la Liberté au Contemporary Arts Center (CAC) est une exposition satellite (l'exposition principale étant à Historic BK House & Gardens) qui cherche à évoquer, conscientiser, et mettre en lumière les nombreuses atrocités subies par les peuples asservis  par le système du colonialisme, et sur la façon dont cette conquête déshumanisante a affecté les civilisations actuelles.  En utilisant divers supports, cette exposition    invite au dialogue autour  des différentes formes, des diverses routes empruntées par   les luttes  pour l'égalité raciale, la liberté et la diversité des identités. Le succès de la révolution haïtienne de 1791 a prouvé que ces efforts n'étaient pas vains. Bien que l'indépendance d'Haïti ait été un tournant dans le mouvement abolitionniste, son influence, son impact   sur les colonies voisines sont tout aussi importantes. Ainsi, le  socle historique et culturel partagé par Haïti et la Louisiane, sont au cœur de cette exposition. 

Bien que l’exposition présente de nombreuses œuvres d'art commissionnées et sélectionnées qui traitent de thèmes et de figures spécifiques ayant joué un rôle clé dans la révolution, les artistes ont été encouragés à imprégner leurs œuvres de la créativité et de l'inspiration inhérentes à leurs pratiques artistiques. Les pièces d'Alyn Defay et de Youseline Vital, tous deux originaires d’Haïti, reflètent  l'éternelle capacité de l'art à interpeller le passé et questionner l’avenir. 

 



CHAPTER 8 : MÉLANGÉ


L’exposition “Haïti-Louisiane: Les Marées de la Liberté”, de manière générale, veut souligner l’héritage commun existant entre la Louisiane et Haïti. Particulièrement, elle cherche à  rapprocher deux faits historiques d’envergure concernant les deux territoires: la Révolution Haïtienne (1791-1803) et la Révolte de la Côte des Allemands (1811).

Face à un système séculaire économique et social d’exploitation forcée et de rabaissement basé sur la couleur de peau, les Révoltés de Saint-Domingue (actuelle Haïti) et ceux de Louisiane, se sont insurgés en 1791 et 1811, à deux décennies d'écart. 

La Révolte de la Côte des Allemands, aussi appelée la Révolte des Esclaves de 1811, d’après plusieurs auteurs et universitaires, a été directement inspirée par les événements qui ont eu lieu  à Saint-Domingue, quelques années auparavant. Organisée par Charles Deslondes et d’autres esclavisés dans ce qui est aujourd'hui les paroisses de Saint-Charles et de Saint-Jean-Baptiste, cette révolte fut le plus important soulèvement de personnes asservies de l'histoire des États-Unis. 

Notre objectif en concevant cette exposition était de rassembler un groupe d’artistes talentueux des deux territoires, utilisant divers médiums, tels que la peinture sur toile, la photographie mais aussi des le cinéma avec des courts-métrages pour transmettre les histoires de résistance à l’esclavage et au racisme en Haïti et en Louisiane. 

En ce sens, Peter Nakhid, a été commissionné pour aller à la plantation Destrehan, lieu important de la Révolte de la Côte des Allemands où se sont déroulés certains affrontements, mais aussi où a eu lieu le jugement des insurgés dans ce qui était plutôt une parodie de justice, avec une condamnation à l’avance pour ces derniers.

 



CHAPITRE 9 : FADENYA


Dans son poème intitulé "On the Origins of Things”, Listervelt Middleton articule avec constance une thèse  prédominante  sur à la position fondamentale de l'Afrique. Tel un leitmotiv, il énonce inlassablement une assertion essentielle : « à mesure que les heures et les minutes s'écoulent, et que s'estompe la connaissance de notre histoire, notre puissance s'érode simultanément. Ainsi, préconise t-il d'ouvrir nos yeux et d'affûter nos oreilles, afin que la clarté puisse illuminer notre vision et que la compréhension guide notre écoute ».

Adoptons cette conduite éclairée lors de l'exploration sommaire de deux concepts d'ascendance africaine, largement méconnus mais indubitablement présents au sein de l'étoffe du monde contemporain.

Le concept de fadenya , développé par les peuples Mandingues d’Afrique (incluant les Malinké, les Bambara, les Dioula, les Foula, etc.) signifie littéralement père-enfant. A l’origine, il était utilisé pour décrire les tensions pouvant exister entre demi-frères de même père et de mères différentes. Il s’oppose à la notion de “badenya”. Badenya, se traduisaint par «mère-enfant», désigne la relation entre frères et sœurs de la même mère au sein de la structure polygame, existante au sein  des ethnies Mandés. Elle est caractérisée par l'harmonie et la coopération.

Ces concepts du cadre familial ont évolué avec le temps et ont été élargis à la politique et à d’autres disciplines. Ainsi, le concept de fadenya est également utilisé comme terme pour désigner les conflits en général. De ces conflits, émergent l’innovation, en opposition au conformisme caractérisant le badenya. Le fadenya permet aux individus de remettre en question l'ordre établi et de proposer des solutions nouvelles souvent disruptives. Ainsi, le fadenya est considéré comme la source du changement politique et social dans le monde mandé, car le bouleversement de l'ordre social existant se produit en raison de la tension du fadenya.

Conséquence de la traite négrière, les peuples Mandingues ont été emmenés à Saint-Domingue et en Louisiane. Tragédie humaine sans précédent le commerce triangulaire  a déraciné des millions d'Africains de leur terre natale et les a réduits en esclavage. Dans ce contexte, le concept de adenya a joué un rôle certain dans la résistance des esclavisés, dans les deux territoires.

Ainsi, le marronnage est une forme plus ou moins passive de résistance pratiquée par les rebelles, consistant à fuir de la plantation ou s’évader de la maison du maître pour justement se “sauver” de la condition d’esclave,  et se cacher dans les mornes, dans les grottes, les marécages, les régions difficiles d’accès et survivre   avec la nature. Il s’agit probablement de la première manifestation du fadenya, Ensuite, comme le montre cette exposition, des hommes et femmes, de la résistance passive du marronnage allaient “franchir le Rubicon” pour passer à la résistance active des mouvements et révoltes à la colonie française Saint-Domingue et en Louisiane.

Chers visiteurs, le combat n’est pas terminé…

A « l’ordre établi » de l’esclavage, ont succédé bien d’autres ordres établis, de par le monde. Ils sont tous  sources d'injustice et perpétuent les inégalités et les discriminations. La route du changement est souvent longue.  Les “révolutions” peuvent être de véritables courses à relais où se succèdent des actions, des figures, en apparence disparates et même désespérées mais en réalité ô combien justes et nécessaires sur le long terme. Le cacique Caonabo, en s’attaquant aux Espagnols en 1493 ans dans le territoire alors appelé Ayiti-Quisqueya,   puis  le cacique Henri en lançant la révolte depuis les montagnes de Baoruco en 1522, Mackandal en menant les multiples rébellions dans le Nord-Ouest de Saint-Domingue dans les années 1750, ont pavé la route qui a menée au Sermon du Bois-Caïman en 1791, jusqu’à la proclamation solennelle de l’indépendance d’Haïti par le Général en chef de l’Armée Indigène, Dessalines,  le 1er janvier 1804. Il en est de même en Louisiane: la révolte des Natchez en 1729 et bien plus tard, la révolte de Pointe-Coupée en 1795 - déjà inspirée des évènements de  Saint-Domingue -  allaient tous paver la voie à la lutte pour la liberté  des esclavisés de 1811, la plus grande révolte de personnes asservies, jamais menée aux Etats-Unis.

En tant que Commissaire, en développant le concept de cette exposition, j’ai voulu connecter le passé, le présent et le futur : le passé avec l’Histoire de ces résistances en Haïti et en Louisiane, mais aussi le présent et le futur dont vous êtes les acteurs. 

L’avenir est un présent qui s’ignore…

Je vous invite donc à vous abreuver de “fadenya”, à embrasser le devoir d’intranquilité et à remettre en question les injustices silencieuses de notre temps. Ensemble, nous pouvons créer un monde où tous les peuples vivent libres, égaux et en paix. Cela prendra du temps, certes, mais c’est possible et surtout nécessaire !  A notre tour de  façonner l’avenir ! 

Au revoir et heureux combat !

Max Jean-Louis
Commissaire     
  

 


HAÏTI-LOUISIANE
LES MARÉES DE LA LIBERTÉ

Une exposition originale d’art contemporain haïtien présentée par la Nous Foundation, la Historic BK House & Gardens et Max Jean-Louis.


ÉQUIPE

Commissaire :
Max Jean-Louis
Commissaires associés :
Scott Tilton, Rudy Bazenet, Annie Irvin, Joseph Makkos, Jane Hill
Graphisme :
Rudy Bazenet, Katya Vaz
Directrice montage et installation :
Delaney George
Assistants montage et installation :
Troy Porter Jr., Derek T. George Sr.
Comité organisateur : Sandra Dartus, Denise Frazier, Régine René Labrousse, Jacqueline Simon, Nathalie Simon


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Un merci spécial à :

Jacques Bartoli, Aldy Castor, Jean-Louis Testud, Philippe Gustin et Jean-Pierre Besse de la Haitian Resource Development Foundation, qui ont permis de donner vie à cette exposition.

Marie Babington Thomas, en l’honneur du Père Wilfranc Augustin et des habitants de la Paroisse St. Louis Roi de France, Pointe-à-Raquette

Davon Barbour




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